"Dans
la société occidentale, le verbalisme politique exprime une double
illusion, en même temps qu'il lui donne naissance. Nous assistons au
développement de l'illusion de l'homme politique qui croit maîtriser
la machine de l'Etat, qui croit prendre des décisions politiques
toujours efficaces, alors qu'il se trouve de plus en plus impuissant
en face de la rigueur croissante des appareils étatiques. Or, cette
impuissance de l'homme politique est voilée précisément par la
puissance et l'efficacité des moyens d'action de l'État qui
interviennent toujours plus profondément et exactement dans la vie
de la nation, et dans celle des citoyens. Mais l'homme politique,
fût-il dictateur, n'a finalement aucune maîtrise de ces moyens.
Réciproquement, paraît l'illusion du citoyen, qui, vivant encore
sur l'idéologie de la souveraineté populaire et des constitutions
démocratiques, croit pouvoir contrôler la politique, l'orienter,
participer à la fonction politique, alors que tout au plus il peut
contrôler des hommes politiques sans pouvoir réel - et s'engage,
sur cette double illusion, un dialogue d'impuissants. Dans cette
difficile situation, n'y a-t-il aucun remède ? S'il en existait un,
il serait, en tout cas, à la fois humble et héroïque. "
"«La question que je
voudrais esquisser dans ce livre est une de celles qui me troublent
le plus profondément. Elle me paraît dans l'état de mes
connaissances insolubles et revêt un caractère grave d'étrangeté
historique. Elle peut se dire d'une façon très simple : comment se
fait-il que le développement de la société chrétienne et de
l'Église ait donné naissance à une société, à une civilisation,
à une culture en tout inverses de ce que nous lisons dans la Bible,
de ce qui est le texte indiscutable à la fois de la Torah, des
prophètes, de Jésus et de Paul ? [...] Si bien que d'une part on a
accusé le christianisme de tout un ensemble de fautes, de crimes, de
mensonges qui ne sont en rien contenus, nulle part, dans le texte et
l'inspiration d'origine, et d'autre part on a modelé
progressivement, réinterprété la Révélation sur la pratique
qu'en avaient la Chrétienté et l'Église. Les critiquers n'ont
voulu considérer que cette pratique, cette réalité concrète, se
refusant absolument à se référer à la vérité de ce qui est dit.
Or, il n'y a pas seulement dérive, il y a contradiction radicale,
essentielle, dont véritable subversion.» "
"En 1973, Jacques Ellul fait
paraître Les Nouveaux Possédés. À contre-courant du vaste
mouvement matérialiste, à l'époque triomphant, qui proclame la
déchristianisation et l'a-religiosité de la société ainsi que
l'avènement d'un homme moderne et rationnel, il constate un
vigoureux regain du religieux dans les comportements et les
structures, collectifs ou individuels. La post-chrétienté n'est pas
une société a-religieuse. Il en donne les nouvelles formes :
religions politiques, magie, dérives sectaires, etc. " Quel est
alors le malentendu ? Il tient au fait que le recul concerne le
christianisme. Or, les occidentaux ont complètement assimilé
christianisme et religion. [...] Il faut donc séparer les deux faits
et considérer l'explosion religieuse de notre époque en dehors des
cadres du christianisme et même des " grandes religions
traditionnelles ". Or, la singularité, la nouveauté tiennent à
ce que ce mouvement religieux moderne se produit dans une société
technicienne, par rapport à elle, en fonction d'elle. Et même, on
pourrait dire que les nouvelles religions sont provoquées par la
croissance technique. Tel est donc ce problème auquel ce livre
essaie de répondre : quelle est la situation de la religion dans le
monde technicien ? Elle est plus florissante que jamais. "
"L'effondrement des utopies
et des totalitarismes, le bilan terrifiant des messianismes
terrestres, le règne inhumain de la technique et du marché
marquent-ils la fin de toute espérance ? Non, répond Jacques Ellul
dans ce livre prophétique qu'il considérait comme le plus crucial
de ses écrits. Au contraire, sans l'espérance, l'évidence du Mal
radical pousserait l'humanité au suicide, le quotidien deviendrait
une machinerie intolérable, et notre condition tragique tournerait à
une condamnation sans retour. Car seule l'espérance permet à
l'homme de s'affranchir du mensonge, de s'arracher à ses
déterminismes désespérants, de soulever l'histoire. Or, l'erreur
fondamentale du XXe siècle aura été de vouloir la séculariser,
d'en éradiquer la verticalité, d'ignorer que l'espérance ne trouve
source et sens qu'en la transcendance. Généalogie critique du
siècle écoulé, de ses rêves et de ses cauchemars, ce livre est
d'abord un grand traité, vivant, de morale active, appelant au "
courage du réel ". "
"Dans ce commentaire de
l'Apocalypse enfin réédité, Jacques Ellul met son talent
d'écrivain et d'essayiste au service d'une analyse fouillée d'un
des livres les plus mystérieux de la Bible. A ses yeux, l'Apocalypse
n'est pas un livre de catastrophe, ni une description de la fin du
monde ou des derniers temps. Ce livre invite à discerner l'éternel
dans le présent, il nous aide à interpréter la réalité en
faisant apparaître le mystère qui est caché dans le réel. Si, à
la fin des temps, Dieu prend en compte toute notre histoire et la
récapitule dans la Jérusalem céleste, nous sommes
extraordinairement responsables de faire une histoire qui en vaille
la peine. En relisant l'Apocalypse verset par verset mais sans le
jargon du spécialiste, Jacques Ellul offre à la fois des clés
limpides de compréhension du texte et des réflexions sur la
responsabilité individuelle pour relever des défis dont, bien avant
d'autres, il avait identifié la dimension contemporaine. "
"Les premiers mots de
l'Ecclésiaste sont célèbres : " Vanité des vanités, tout
est vanité. " Ils ont fait de l'auteur le modèle universel du
sceptique, qui doute de tout et ne croit plus en rien. Au contraire,
Jacques Ellul pense que nous avons à faire à un croyant, ou à la
sagesse d'un homme de foi. De fait, à le regarder de près, le livre
regorge d'affirmations contradictoires. Il dit et répète que la
sagesse est du vent, et pourtant il met au-dessus de tout la sagesse.
Le héros est souvent sceptique, mais il lui arrive aussi d'être
croyant. Qui est le vrai Ecclésiaste? Les deux sont vrais, et
l'ensemble de la méditation de l'auteur tourne autour de cette
contradiction, qui n'est finalement que celle de la vie elle-même.
Et le prétexte pour élaborer un petit traité de sagesse biblique,
unique dans la littérature. "
"La Technique ou l'enjeu du
siècle a connu une destinée singulière. Refusé par deux éditeurs,
il a finalement été publié dans une collection universitaire à
faible tirage et a très vite été épuisé, Jamais réédité (sauf
en édition pirate) il n'a cessé d'être lu et pillé, même si ceux
qui l'ont utilisé ne l'ont pas toujours cité. Aux Etats-Unis, il
est constamment réédité en collection de poche et est inscrit au
programme des lectures obligées (text-books) de la plupart des
universités. Il a également eu une grande influence chez les
dissidents des pays de l'Est. Jacques Ellul n'a cessé d'approfondir
sa réflexion sur la technique dans des livres devenus des classiques
: Propagandes (1960), L'illusion politique (1963), Le système
technicien (1977) et, tout récemment, Le bluff technologique (1987).
Mais on ne peut comprendre son œuvre sans de reporter à ce livre
fondateur. Prophétiques lorsqu'elles ont été écrites, ses vues
sur la technique comme fait central de nos sociétés conservent plus
de 35 ans après une étonnante et parfois inquiétante actualité.
En 1960, Jacques Ellul avait préparé une deuxième édition revue
et complétée qu'un éditeur peu avisé a renoncé à publier. C'est
ce texte que les Classiques des sciences sociales offrent aujourd'hui
au lecteur"
"Cet essai, publié en 1977
dans la collection "Liberté de
l'Esprit" de Raymond Aron et introuvable en librairie depuis
longtemps, est la clef de voûte de sa trilogie (La Technique,
Le Système technicien, Le Bluff technologique). Il est
considéré comme son livre le plus abouti. La Technique, pour
Ellul, est le facteur déterminant de la société. Plus que le
politique et l'économie. Elle n'est ni bonne ni mauvaise, mais
ambivalente. Elle s'auto-accroît en suivant sa propre logique.
Elle piétine la démocratie. Elle épuise les ressources
naturelles. Elle uniformise les civilisations. Elle a des effets
imprévisibles. Elle rend l'avenir impensable. Grâce à
l'informatique, la Technique a changé de nature : elle forme, à
l'intérieur de la société, un "système technicien".
L'informatique, en unifiant tous les sous-systèmes
(téléphonique, aérien, de production et distribution d'énergie,
etc.), lui a permis de devenir un tout organisé, lequel vit à
l'intérieur de la société, la modèle, l'utilise, la transforme. Mais
ce système, qui s'auto-engendre, est aveugle. Il ne sait pas où
il va. Et il ne corrige pas ses propres erreurs. Un livre
indispensable pour qui ne veut pas penser en rond. "
l'Esprit" de Raymond Aron et introuvable en librairie depuis
longtemps, est la clef de voûte de sa trilogie (La Technique,
Le Système technicien, Le Bluff technologique). Il est
considéré comme son livre le plus abouti. La Technique, pour
Ellul, est le facteur déterminant de la société. Plus que le
politique et l'économie. Elle n'est ni bonne ni mauvaise, mais
ambivalente. Elle s'auto-accroît en suivant sa propre logique.
Elle piétine la démocratie. Elle épuise les ressources
naturelles. Elle uniformise les civilisations. Elle a des effets
imprévisibles. Elle rend l'avenir impensable. Grâce à
l'informatique, la Technique a changé de nature : elle forme, à
l'intérieur de la société, un "système technicien".
L'informatique, en unifiant tous les sous-systèmes
(téléphonique, aérien, de production et distribution d'énergie,
etc.), lui a permis de devenir un tout organisé, lequel vit à
l'intérieur de la société, la modèle, l'utilise, la transforme. Mais
ce système, qui s'auto-engendre, est aveugle. Il ne sait pas où
il va. Et il ne corrige pas ses propres erreurs. Un livre
indispensable pour qui ne veut pas penser en rond. "
"Jacques Ellul (1912-1994) a
consacré l’essentiel de sa réflexion à l’impact des
techniques sur les sociétés contemporaines. Il a notamment publié La technique
ou l’enjeu du siècle, Le système technicien. Beaucoup plus connu aux États-
Unis qu’en France, ses livres sortent aujourd’hui du purgatoire, où ils rencontrent
la conscience écologique d’un nouveau public.
Jean-Luc Porquet, le préfacier, est l’auteur de Jacques Ellul, l’homme qui avait
(presque) tout prévu (Le Cherche-midi).
Dans cet ouvrage, synthèse de
la réflexion consacrée par
Jacques Ellul à la technique,
l’auteur s’attache à démystifier
le discours sur les changements
technologiques qui fleurissent
dans notre société. Ecrit antérieurement à l’explosion
informatique et communicationnelle des années 80, il en
anticipe l’arrivée, les utopies et les déconvenues. Plaidant
pour une technique au service de l’homme contre une
société qui asservit l’individu à une multiplicité de gadgets,
il démonte avec minutie et conviction les arguments qui
font de la technologie une fatalité. Manifeste pour une
technique au service de l’homme, ce livre est un grand
classique de la critique de la technique."
techniques sur les sociétés contemporaines. Il a notamment publié La technique
ou l’enjeu du siècle, Le système technicien. Beaucoup plus connu aux États-
Unis qu’en France, ses livres sortent aujourd’hui du purgatoire, où ils rencontrent
la conscience écologique d’un nouveau public.
Jean-Luc Porquet, le préfacier, est l’auteur de Jacques Ellul, l’homme qui avait
(presque) tout prévu (Le Cherche-midi).
Dans cet ouvrage, synthèse de
la réflexion consacrée par
Jacques Ellul à la technique,
l’auteur s’attache à démystifier
le discours sur les changements
technologiques qui fleurissent
dans notre société. Ecrit antérieurement à l’explosion
informatique et communicationnelle des années 80, il en
anticipe l’arrivée, les utopies et les déconvenues. Plaidant
pour une technique au service de l’homme contre une
société qui asservit l’individu à une multiplicité de gadgets,
il démonte avec minutie et conviction les arguments qui
font de la technologie une fatalité. Manifeste pour une
technique au service de l’homme, ce livre est un grand
classique de la critique de la technique."
"À l'Institut d'études
politiques de Bordeaux, du temps où Jacques Ellul (1912-1994) y
enseigna, ses cours comprenaient des matières inédites autant
qu'insolites : la technique, fruit d'une recherche jalonnée de
publications au retentissement international, et la Propagande. De
1950 à 1980, un cours sur la Pensée marxiste était également
proposé. Il se distinguait des deux précédents par une moindre
originalité apparente : Marx n'avait pas attendu Ellul pour figurer
dans les cours et traités consacrés aux idées politiques. Mais
Ellul fait preuve d'une connaissance approfondie de la pensée de
Marx. Son exposé est remarquable de simplicité et de limpidité. Il
découvre les écrits de Marx dès l'âge de dix-huit ans. Dès lors,
déclara-t-il : «Je n'ai pas trouvé de pensée ou de méthode qui
me permette de mieux analyser le monde où je vis. Marx, c'est sûr,
a orienté mes interprétations en profondeur.» Ce livre n'est pas
ouvrage supplémentaire sur Marx. «Je veux, disait Ellul à ses
étudiants, que vous soyez amenés à savoir pourquoi vous seriez
pour ou contre.» Tel est le sens de cette publication. "
"Pendant
quelque trente années, Jacques Ellul a proposé aux étudiants de
l'Institut politique de Bordeaux un cours sur la Pensée marxiste
rendu disponible au public en 2003 aux Editions de La Table Ronde. Ce
cours était dispensé en alternance avec un autre, les Successeurs
de Marx, qui fait l'objet du présent ouvrage. Ellul y montre que les
fractures dans l'héritage de Marx ont révélé des contradictions
ou des évolutions déjà présentes dans l'œuvre de ce dernier,
accentuées par le caractère de plus en plus douteux de certaines de
ses prédictions. Avec un talent didactique confirmé, Ellul nous
présente ici les différentes écoles, leurs porte-parole et les
fondements théoriques de leurs désaccords. Mais la publication de
ce cours est aussi l'occasion d'approfondir un peu plus les liens
complexes qu'entretenait Ellul avec le marxisme. A propos du marxisme
tchèque des années soixante qui allait déboucher sur le Printemps
de Prague de 1968, il déclarait aigri à ses étudiants : "
J'ai repris un certain espoir à l'égard du socialisme en général
lorsque j'ai rencontré la pensée des Tchécoslovaques [...] : une
réponse marxiste aux problèmes d'une société technicienne. "
Cette sympathie envers ces thèses, largement développées ici,
montre à quel point le marxisme a influencé les recherches d'Ellul
et aide à leur compréhension. "
"Pour Jacques Ellul, le
christianisme est, par son origine et sa conception même de la
Révélation, une anti-idéologie. Mais, et l'histoire n'en fournit
que trop d'attestations, on a vite fait de le transformer en
idéologie ; il suffit de laisser la doctrine, la foi et la pratique
exigeante de la liberté se dégrader en discours de compromis et de
ralliement pour des
groupes entiers. Sitôt qu'on lit la Bible pour y trouver arguments et justifications pour sa propre conduite ou pour celle de son groupe, on est en pleine idéologie chrétienne. Mais est-ce encore écouter la Parole de Dieu ? Examinées sous cet angle, les positions des chrétiens marxistes ne seraient-elles pas l'idéologie chrétienne de notre époque ? Marxisme et foi en Dieu sont-ils compatibles ? Un courant de pensée se développe même qui cherche à légitimer
en théologie une adhésion au marxisme. On élabore une nouvelle lecture de l'Evangile, tout heureux de la proclamer matérialiste. Tout, jusqu'à la théologie elle-même, serait à repenser en fonction du marxisme et de ce qu'il fait découvrir : la lutte des classes. Paradoxe, ce courant s'affirme chez les chrétiens au moment où le marxisme passe, en son propre sein, par une crise d'identité et de crédibilité. "
groupes entiers. Sitôt qu'on lit la Bible pour y trouver arguments et justifications pour sa propre conduite ou pour celle de son groupe, on est en pleine idéologie chrétienne. Mais est-ce encore écouter la Parole de Dieu ? Examinées sous cet angle, les positions des chrétiens marxistes ne seraient-elles pas l'idéologie chrétienne de notre époque ? Marxisme et foi en Dieu sont-ils compatibles ? Un courant de pensée se développe même qui cherche à légitimer
en théologie une adhésion au marxisme. On élabore une nouvelle lecture de l'Evangile, tout heureux de la proclamer matérialiste. Tout, jusqu'à la théologie elle-même, serait à repenser en fonction du marxisme et de ce qu'il fait découvrir : la lutte des classes. Paradoxe, ce courant s'affirme chez les chrétiens au moment où le marxisme passe, en son propre sein, par une crise d'identité et de crédibilité. "
"Jacques Ellul est né en
1912 à Bordeaux où il enseigne à la faculté de droit et à l
Institut d Etudes Politiques de 1944 à 1980. Ses cours sur le
Marxisme, l Histoire des Institutions de l Antiquité à nos jours,
la Propagande et la sociologie de la société technicienne ont
laissé leur empreinte sur bon nombre d étudiants qui gardèrent de
lui un souvenir ému et reconnaissant. Historien et sociologue mais
aussi théologien, il analyse avec passion et lucidité les
phénomènes les plus complexes de notre société dans un langage
volontairement simple et compréhensible. Son uvre qui se compose d
environ 50 volumes et quelques milliers d articles s articule autour
de deux grands schémas : les problèmes générés par l
auto-accroissement du phénomène technicien, une éthique chrétienne
de la liberté et de l espérance adaptée à cette société. «
Trahison de l Occident » a été écrit en 1974. Il s agit d un
livre puissant et pugnace qui nous donne à réfléchir sur nos ranc
urs naturelles à l égard de cet Occident qui nous a pourtant tout
donné y compris la faculté de le critiquer. Jacques Ellul est
décédé en mai 1994 laissant derrière lui des groupes de réflexion
et des auteurs qui s emploient à poursuivre son œuvre."
"Cette
thématique est reprise dans les divers ouvrages précités de
Jacques Ellul et particulièrement bien exposée dans Autopsie de la
Révolution, malgré une écriture souvent relâchée et trop de
références à l'actualité de l'époque. Le phénomène
révolutionnaire est ici abordé non seulement du point de vue
historique et sociologique, mais également dans une perspective
morale et politique. Du premier point de vue et sur la base d'une
remarquable culture historique, Jacques Ellul souligne ce qui
distingue et relie les révoltes et les révolutions. Il rappelle à
ce propos que la révolte est d'abord instinctive alors que la
révolution procède d'une pensée et d'une organisation. Mais toutes
deux ont ceci en commun de se faire tantôt au nom d'un passé
idéalisé, tantôt à celui d'un avenir radieux, mais, en toute
hypothèse, c'est l'ordre établi qui est visé. Il montre pourquoi
la révolution est impossible dans les sociétés traditionnelles
marquées par un ordre social immuable et ponctué de temps à autre
par des révoltes qui peuvent être autant progressistes que
réactionnaires. Tout a changé à partir de 1776 (la révolution
américaine est la première des révolutions modernes) et 1789
lorsqu'il est apparu possible de créer un nouvel ordre social
justifié par les progrès de la civilisation. Au XIXe siècle,
l'État est alors devenu l'acteur principal de ces transformations,
alimentant «l'illusion politique» de l'intelligentsia européenne.
Durant les années 1960-1970 (cela a commencé beaucoup plus tôt -
voir Georges Sorel), la révolution est alors célébrée en tant que
telle, en tant que mythe politique permettant à l'humanité de se
délivrer de ses chaînes. La révolution ne ferait alors qu'achever
le cours de l'Histoire sur la voie royale du Progrès. "